Restez à la maison … ne rentrez pas dans le frigo.
5 Απριλίου 2020 ~ dystcom
La chronique des pogroms sur l’île de Lesbos.
( paru sur le web le 17/03/2020)
La situation dans l’île de Lesbos s’est dégradée progressivement, à partir de la décision du gouvernement, autour de Septembre 2019, de geler tout transfert de réfugiés vers le continent.
Par la suite, en Janvier, entrait en vigueur la nouvelle loi 4636/2019 sur la procédure d’asile et les conditions d’accueil, elle change d’un coté l’essentiel sur le plan théorique :qui a droit au transfert et à la suppression de la restriction géographique,et joue d’autant sur la pratique.
Il en résulta l’explosion démographique du camp et du Centre d’accueil et d’Identification (CAI) de Moria à des chiffres jamais égalés. En janvier le nombre de réfugiés atteignit les 20.000 ( possibilité de logement du CAI 3000).
Dans le même temps, le gouvernement fait des déclarations concernant le “rôle obscur” de quelques ONG autour du sujet migratoire. Il sous-entend directement que les ONG agissent comme des trafiquants et des passeurs. Référence est faite à des dossiers classés sans suite, ou bien au point mort, faute de manque de données.
S’y ajoute une référence à un dossier juridique pour des faux papiers médicaux dans lesquels se mêlent des individus et non pas des membres des ONG, et qui n’est pas encore passé en jugement.
Ces déclarations gouvernementales sans fondements ont déclenché une huée internationale contre la Grèce pour criminalisation de la solidarité.
Entre-temps dès le début janvier, tout les entretiens pour obtenir le droit d’asile avec les personnes entrées au pays avant le nouvel an ont été annulés, pour donner la priorité aux nouveaux arrivés . Cela signifie encore plus d’attente au CAI de Moria pour ceux dont les déplacements sont désormais empêchés.
Les 16 et 17 janvier, le suicide d’un jeune iranien au centre de détention de Lesbos déclenche une manifestation des réfugiés. Elle est suivie d’une manifestation de femmes au centre de la ville pour protester contre les conditions humiliantes dans le CAI de Moria et contre le blocage des réfugiés dans les îles.
Comme réponse à ces manifestations une grève de toute l’île est appelée le 22 janvier par la municipalité et la préfecture avec comme slogan principal “ rendez-nous notre île, rendez nous nos vies.”
Le 3 février, une manifestation d’un grand nombre de réfugiés s’est dirigée vers la ville de Mytilene pour protester contre les conditions du camp et leur impossibilité de quitter les îles. Les représentants gouvernementaux déclarent officiellement que la manifestation a été poussée par des ONG en insinuant que les réfugiés ne connaissent pas l’anglais et que les slogans de leur banderoles auraient été soufflé :“sorry people of Lesvos”et “Moria no good”.Face à la manifestation, les forces de police ont répondu violament et prés de 500 personnes ont été reconduites par la police au CAI à travers le village de Moria.
Pour les habitants de Moria, c’était la goutte pour faire déborder le vase, déjà mécontents de la proximité du CAI. L’arrivée brutale de ce grand nombre de personnes a été ressenti comme une menace pour leur village. Les villageois sonnèrent l’alerte aux cloches de l’église et les habitants tentèrent d’empêcher les manifestants, poussés par les forces de la police, de passer par leur village.
A la suite de ces événements, une réunion eut lieu dans une salle communale en présence du préfet régional et de nombreuses personnes d’extrême droite de l’île. C’est dans cette atmosphère nauséabonde que sont nés des milices.
En même temps, certainement dans le but de dissimuler leurs propres responsabilités, les représentants gouvernementaux continuaient de clamer officiellement que la manifestation des réfugiés avait été poussé par des ONG. La situation catastrophique des conditions de vie des réfugiés dans le camp et la légitimité de leur révolte étant complètement niées.
C’est à partir de cette nuit et les 3 jours suivant qu’ il y eut dans le village de Moria ce que l’on pourrait appeler des milices faisant régner l terreur patrouillant avec des cagoules intégrales et matraques à la main, à la recherche de tout ce qui ne serait pas un habitant légitime de l’île: réfugiés, immigrants ou ONG, poursuivant toute personne étrangère qui se trouvait sur leur chemin, frappant encore aux portes des maisons pour en contrôler les habitants.
Dans le même temps, deux barricades de villageois ont été dressées à l’entrée et à la sortie du village où véhicules et piétons devaient subir un contrôle facial et étaient empêchés d’entrer ou de sortir du village.
Même les employés des ONGs qui avaient un domicile fixe dans le village étaient invités à quitter leur logement dans le mois, sous forme de menaces.
Le soir du 4 février, la tension monte encore: une maison où habitent des volontaires d’une organisation international et la voiture d’une volontaire italienne sont attaqués avec des pierres. Dans la poursuite de ce contexte de contrôle continuel de tous, un Afghan est attaqué par des membres des blocages, il finira à l’hôpital. Plus tard encore, 7 personnes cagoulées et armées de matraques attaquent un bar au centre de Mytilene dans lequel les membres d’ONG avaient l’habitude de se rencontrer.
Finalement le 7 février ,7 de ces miliciens se font arrêter. Ce qui ne fait pas se réduire les barricades, qui continuent périodiquement d’être tenues, obligeant les habitants impliqués ou sympathisants avec les réfugiées à quitter leurs maisons. S’ajoute à cela, des attaques contre Médecins Sans Frontières, dont le centre médical était prés du village de Moria.
Le gouvernement, au lieu de prendre des mesures d’apaisement, augmenta les tensions, en voulant instaurer un nouveau centre, de type fermé cette fois, parallèlement à celui déjà existant dans lequel se trouvaient 20000 personnes sans perspectives de transfert. Pour faire avancer la construction de ce nouveau centre fermé, le gouvernement réquisitionna la région de “Karava” qui se trouve dans la partie ouest de l’île. Il envoya d’Athènes, le 24 février, des forces d’ordre spéciale (MAT) en vue de surveiller sa construction. Deux jours après, et devant la réaction de la population, les forces de police ont été retirées. Quelques jours plus tard, il y eut de nouveau dans les réseaux sociaux, des dizaines d’appels pour le renvoi des ONG et des réfugies.
Le 27 février, une voiture louée dans laquelle se trouvaient deux jeunes volontaires d’une organisation étrangère est violemment attaquée par un groupe d’une vingtaine de personnes. Ils ont été menacés avec des couteaux juste à coté du bâtiment du gouvernement régional. D’autres attaques ont aussi été rapportées contre des réfugiés qui passaient seuls par le village de Moria, à Mytilene sur des travailleurs d’ONG,et dans une taverne contre des étudiants qui ressemblaient à des membres d’ONG.
Le 28 février, les déclarations d’Erdogan sur l’ouverture de la frontière pour les réfugies mettent le feu aux poudres. Le résultat immédiat est l’augmentation du nombre d’arrivées à Lesbos. La situation devient alors de plus en plus incontrôlable. Le dimanche 1er février, en plus des images tragiques du port de Thermi qui ont fait le tour du monde où les habitants attaquaient une barque de réfugiés pour les empêcher de débarquer, ont été dressées des barricades tenues par des habitants à l’entrée(Panagiouda) et à la sortie(Larsos) du camp de Moria, à Lambou Mylous, à Sykamia, à Thermi, à Kalloni, à Loutra et à l’usine d’électricité juste à l’entrée de Mytilene.
Au dernier blocage, participent plus de cents personnes extrémistes cagoulées et armées de matraques et de pierres ayant ouvertement pour cible les employés d’organisations humanitaires et les sympathisants des réfugiés. Jets de pierres, attaques de voitures(surtout étrangères et de locations), contrôles d’identité avec des demandes concernant l’appartenance à des ONG.
Des volontaires distribuant de la nourriture, ont été victimes d’une attaque et leur voiture a été complètement détruite par un groupe de deux cents personnes dans la soirée.
A Thermi,un groupe d’une trentaine de personnes attaquèrent des employés et des volontaires d’ONG étrangères avec des matraques et détruisent leur voitures.
Le centre d’accueil Stage 2 à Sykamia fut incendié par les habitants alors que sur beaucoup de plages patrouillent des personnes portant des cagoules en vue d’empêcher les réfugiés de débarquer.
Toute la soirée, en plusieurs endroits, à l’extérieur comme à l’ intérieur de la ville, des voitures de location ou aux plaques étrangères furent vandalisées et les personnes qui semblaient appartenir à des ONG furent attaquées. Aussi certains tentèrent d’attaquer un bateau de sauvetage.
Le lundi 2 mars, les attaques et les blocus continuèrent : beaucoup d’organisations, surtout étrangères décident de retirer leurs volontaires qui partirent avec le ferry du soir. A Skala Loutrou, un bateau de sauvetage amarré au port est attaqué à son tour. Alors que l’équipage se trouvait encore à bord, ils ont arrosé le pont avec de l’essence. Le bateau a été obligé de partir et de passer la nuit en pleine mer. Les vandalismes sur les voitures continuèrent.